Fin janvier, lorsque je réfléchissais sur l’utilisation possible des réseaux P2P comme formidables magnétoscopes numériques, j’oubliais d’évoquer les services P2P de diffusion en ligne et en streaming de programmes de télévision. Cet article de 01net m’a fort heureusement rafraichi la mémoire.
Ainsi, le P2P a ajouté une brique supplémentaire à la création d’un puissant magnétoscope numérique en ligne avec plusieurs services principalement chinois : SopCast, Coolstreaming, PPLive, CCIPTV ou encore TV Ants. Plus fort, PPRecorder permet d’enregistrer les flux audio/vidéo diffusés par ces services.
Voilà qui ne devrait pas manquer d’interpeler Dominique Blas.
Mais voilà, comme le souligne Stéphane Schindler, directeur TV/Médias chez TWI en France une société qui vend les matches de la Ligue 1 à l’étranger, dans l’article de 01net : « Ces logiciels n’ont rien d’illégal : c’est leur usage qui peut l’être. Les responsables de Goal TV 1&2 ont permis d’identifier les pirates qui captaient, puis redistribuaient ces programmes sportifs sur Internet à travers PP Live. »
On l’aura compris, cette nouvelle utilisation des technologies d’Internet se fait, une fois de plus, sans que les ayants droits des contenus aient sollicités : les services cités plus haut ne se contentent pas d’offrir un accès simplifié par aggrégation à des flux audio/vidéo diffusés volontairement par les chaînes de télévision concernées. Par exemple, TV Ants permet de suivre les programmes des chaînes américaines HBO, CNN, ou encore de la chaîne de sport ESPN.
Oui, merci 🙂
Je ne fais en effet pas de différence entre les services actuels disponibles sur l’Internet largement hérités du texte et les services à venir davantage multimedia.
Les premiers sont encore largement hérités du mode textuel datant de l’époque où la bande passante et les moyens de stockage étaient limités.
Les seconds (qui commencent à pointer leur museau) bénéficient de la rapidité de transmission et l’ubiquité de l’information quel que soit son mode de réprésentation (multimedia) rendu possible grâce à l’augmentation de bande passante, la disponiblité, l’usage et, surtout, l’implémentation de standards (via des logiciels individuels libres) ainsi que de l’accroissement des possibilités de stockage (Google Drive).
Ainsi comme nous avons les forums (textuels) nous pouvons disposer de forums multimedia.
Comme nous avons les blogs nous pouvons avoir le même système mutimedia (webTV).
Et comme nous avons déjà le P2P fichers nous pouvons désormais disposer du P2P streaming.
Comme il était pointé ici des logiciels comme Orb ou Sling permettent déjà de constituer une sorte de cybermédiathèque (en temps réel et sous forme d’archives).
Toutefois elles sont trop visibles et ne manqueront pas de s’attirer les foudres d’une MPAA ou des dizaines de syndicats/régies/groupements de diffuseurs qui existent de par le monde.
Lesquels, plutôt que d’anticiper (pardon, je rêve, de prendre note de) la (mini)révolution intellectuelle que cela impose, en recoureront à la classique action juridique qui se terminera en eau de boudin.
Ca ne vous rappelle rien ?
Comme pour le P2P d’il y a 8 ans, d’un côté il y a l’opportunité, pour tout consommateur (équipé de haut-débit ce qui représente une infime partie de la population mondiale) d’un programme à la carte qui ne dépende plus du bon vouloir des chaînes traditionnelles ni de la VOD : le rêve de tout spectateur et le cauchemar des chaînes traditionnelles, la fameux principe d’économie de la pénurie contre l’abondance.
De l’autre côté il y a les fameux ayants-droit (quand on dépense 600 MEUR pour des droits de retransmission on n’a pas envie de voir ses programmes de foot accessibles en dehors du périmètre de ses abonnés) et le marketing (comment savoir si le cerveau du spectateur est disponible pour lui vendre du Coca-cola si ce dernier puise son programme sur des centaines de canaux en permanence ?).
Nous avons les compétences techniques pour développer des systèmes de diffusion de contenu qui ne laissent aucune trace (du moins qui laissent suffisament peu de traces au niveau individuel pour pouvoir entraîner une action en justice : c’est le principe du vol sous le radar).
Mais faudra-t-il alors disposer d’un policier derrière chaque consommateur ?
Ces vraies compétences permettent, quelque part, de contrebalancer le pouvoir indu des multinationales. Encore faut-il qu’elles soient reconnues en tant que compétences et non de vices comme c’est trop souvent le cas avec le logiciel libre, les licences GPL, etc. Forcément entre une génération qui n’affiche pas 20 ans au compteur et l’autre qui vit sur ses acquis depuis 60 ans …
Ou plutôt, à l’instar d’un système de P2P fichiers légal (par recensement des clients et des fichiers échangés) on peut alors se prendre à imaginer un système P2P streaming légal disposant des mêmes éléments de mesure en y incluant de la pub (pour diminuer le coût client d’un programme par exemple un peu comme la pub au début des communications mobiles pour rendre celles-ci moins chères).
Je pense que tout le monde a à y gagner.
1. le consommateur qui reprend son autonomie, rentre dans la légalité et bénéficie de contenus à prix insignifiants ce qui, au passage, permet d’envisager une propagation du principe dans les régions moins riches de la planète. En contrepartie il accepte un peu plus de “pistage”.
Après tout nous parlons de culture !
2. les diffuseurs de contenu qui bénéficent alors d’un panel géant et très diversifié afin d’affiner leurs campagnes et vendre plus cher leurs fichiers de clients.
J’en rajoute une couche : à l’instar des blogs, rien n’empêche de voir surgir (elles existent déjà du reste) des chaînes personnelles de qualité (il y a bien des blogs de qualité, dont celui-ci ainsi que des logiciels de qualité développés par une ou plusieurs personnes pourquoi n’y aurait-il pas de programmes multimedia de qualité avec ou sans pub [Creative Commons] ? ).
Le souci est qu’elles heurtent de front le pouvoir des diffuseurs de contenu traditionnel (alors que les blogs ne heurtent aucun pouvoir en place). Alors entre lobbyistes d’un autre siècle et réglementation abusive (DAVSI 3.0, comme l’a promis dans Libération notre cher RDDV) la voie de la raison s’imposera-t-elle ou faudra-t-il en passer par une nouvelle guerre ?
Après la dématérialisation de la culture nous assisterons probablement à la dématérialisation des connaissances artisanales (pouvoir fabriquer ce que l’on veut quand on veut pour un coût pratiquement nul) et là encore … Pfff Ca me fatigue par avance.
A quand un monde (plus féminin ?) ou la guerre laisse la place à la négociation ? 🙂
db